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Loi du 4 mars 2002 dans les archives du Monde

Le « gouverneur Kouchner » fait campagne pour un beau ministère

ARIANE CHEMIN, Le Monde, 16 janvier 2001

BERNARD KOUCHNER est en campagne. Pas pour une place de maire, pas encore pour devenir député (il a pris contact, cet été, avec le député socialiste de la seconde circonscription du Vaucluse, le maire de Pertuis, André Borel) mais pour une - belle - place au gouvernement, puisque Lionel Jospin lui a donné, à son départ du Kosovo, l'assurance qu'il y retournerait ( Le Monde du 13 décembre 2000). A Pristina, lors des cérémonies de départ, M. Kouchner a prévenu : « Il faut bien vous souvenir qu'aucune réussite ne peut rester impunie. » Dès avant la fin de sa mission onusienne, le « french doctor » a compris que, pour mieux revenir, il faut savoir se faire désirer. La fin de son mandat à Pristina, le 13 janvier, a été commenté toute la semaine. Dans des confidences soigneusement étudiées au Journal du dimanche (14 janvier), le « gouverneur » se permet de jouer les baroudeurs blasés : « Quand on voit les titres des journaux français, ça ne donne pas envie de rentrer » ; les seigneurs de la guerre épuisés : « Demain, je suis chômeur ! Demain, je commence à dormir huit jours ! » Comprenez : Kouchner est prêt à se sacrifier. Tout le week-end, les hommages ont fleuri. Dimanche, sur Radio J, Claude Bartolone a donné le ton : « Lorsqu'on a quelqu'un qui a le talent de Bernard Kouchner, on ne peut pas le laisser sur le banc des remplaçants. » Le président de la commission des affaires étrangères de l'Assemblée nationale, François Loncle (PS), l'a remercié d'avoir servi au Kosovo les « intérêts de l'Europe » et « l'image de la France ». Le premier ministre lui-même a pris la peine d'un long communiqué. Son ancien ministre « a effectué un travail remarquable et s'est montré digne du difficile mandat qui lui avait été confié », a commenté Lionel Jospin, en louant les « qualités personnelles exceptionnelles de Bernard Kouchner, son courage et sa détermination ». En 1997, M. Jospin avait accepté in extremis l'entrée de M. Kouchner dans son équipe. Il le trouvait trop « paillettes ». Il avait finalement suivi les conseils d'anciens collaborateurs du ministre, tels Aquilino Morelle, un autre médecin. Aujourd'hui, il cherche une place à la plus populaire des personnalités politique françaises. Reste à savoir où, et quand. Elisabeth Guigou a écarté, dans Le Monde (daté 7-8 janvier), l'hypothèse d'un ministère de la santé et de la sécurité sanitaire de plein exercice dont rêvait l'ex-secrétaire d'Etat. Du coup, ce dernier a fait savoir, l'air de rien, qu'il serait prêt pour d'autres fonctions : par exemple, le ministère délégué aux affaires européennes - hypothèse jugée abracadabrante en haut lieu. Quant à la date de son retour, M. Kouchner, soixante et un ans, explique qu'il peut encore tenir jusqu'au 18 mars, en préparant un livre. D'autres, comme le ministre de la ville, étaient pourtant prêts à se serrer bien avant le second tour des élections municipales : puisqu' « un certain nombre des ministres importants de ce gouvernement vont être engagés dans le cadre des élections municipales et des campagnes à venir, un ministre de plus au sein de ce gouvernement, cela ne serait pas plus mal »...

Du cancer aux hépatites, les priorités du ministre

LM, le 28 mars 2001

Placé sous le signe de la « naissance d'une démocratie sanitaire », c'est un véritable document de politique générale que présente Bernard Kouchner. Il lui reste à convaincre le gouvernement, réuni en séminaire samedi 31 mars, de lui donner les moyens de ce programme ambitieux d'où émergent plusieurs thèmes. Les priorités de santé publique. Six plans sont consacrés à la lutte contre les pathologies chroniques : cancer, maladies cardio-vasculaires, diabète, asthme, insuffisance rénale chronique, mucoviscidose. Deux programmes nationaux concernent le sida et les hépatites. Les maladies émergentes et les maladies orphelines figurent dans cette liste, de même que des programmes d'action spécifiques en faveur des jeunes, des femmes, des personnes âgées, de l'outre-mer, des personnes en situation précaire et des détenus. Plusieurs actions d'intérêt général seront conduites : développement des greffes, accompagnement de fin de vie, plan de lutte contre la douleur, éducation pour la santé et programme national sur la nutrition. Une enveloppe de près de 500 millions de francs est allouée à la prise en compte du coût des chimiothérapies anticancéreuses, rendues d'autant plus nécessaires que 250 000 nouveaux malades sont enregistrés chaque année. La sécurité sanitaire. Une enquête nationale sur les infections nosocomiales (contractées à l'hôpital) sera menée en mai-juin 2001. Des comités du médicament et des matériels médicaux stériles, seront mis en place dans les h afin de renforcer leur bon usage. Le médicament. Les agences régionales d'hospitalisation devront faire le point sur les particularités de la consommation locale afin de définir une procédure de rationalisation de l'achat des médicaments pour les hôpitaux et de remboursement et de tarification pour les médicaments en ville. Le Comité économique des produits de santé négociera avec les laboratoires des baisses de prix à mesure que des produits innovants gagneront des parts de marché.

La santé, le droit et les malades

Le Monde, 5 septembre 2001

A l'issue de deux ans de débats, le gouvernement devait examiner, mercredi 5 septembre, le projet de loi de modernisation du système de santé promis par le premier ministre, Lionel Jospin, en 1999. C'est un texte large - d'un total de 76 pages -, portant à la fois sur la qualité du système de santé des Français et sur les droits des malades. Ce chapitre est le plus novateur. Il s'agit, d'une part, de renforcer ces droits en permettant aux malades d'avoir directement accès à leur dossier ; d'autre part, de créer un fonds public d'indemnisation pour les victimes d'accidents médicaux en l'absence de toute faute imputable au personnel soignant - ce que l'on appelle l'aléa thérapeutique.

Les droits du malade renforcés

Le Monde avec AFP, 5 septembre 2001

Le projet de loi sur la modernisation du système de santé, présenté mercredi 5 septembre en conseil des ministres, renforce les droits des malades. Il prévoit en particulier un accès direct au dossier médical et l'indemnisation des victimes de l'aléa thérapeutique, autrement dit des accidents médicaux sans faute du professionnel de santé.

La possibilité pour un patient d'avoir directement accès à son dossier médical, qui existe ailleurs en Europe et est depuis longtemps réclamée en France, est l'une des mesures fortes du texte, qui doit être examiné par l'Assemblée à la rentrée parlementaire. Cette mini-révolution met fin à une situation "infantilisante", selon le Collectif interassociatif sur la santé (CISS). Actuellement, le patient ne peut en effet accéder à son dossier et aux informations qui le concernent que par l'intermédiaire d'un médecin. Certains médecins redoutent que cette disposition ne favorise une judiciarisation à l'américaine de la médecine et des dérives, avec des dossiers rédigés de façon à se prémunir contre d'éventuelles poursuites, et la multiplication d'examens complémentaires utilisés comme paravent judiciaire.
Autre point fort du projet, l'indemnisation des victimes d'accidents médicaux qui ne sont pas dus à une faute du praticien. Depuis une trentaine d'années, les tentatives de mettre en place une indemnisation de l'aléa thérapeutique avaient échoué, alors que justice et assurances interviennent habituellement pour les préjudices dus à une faute du médecin ou du chirurgien, ou engageant la responsabilité du service ou de l'établissement de soin. Cependant, la jurisprudence avait entre-temps évolué en faveur d'une meilleure indemnisation des victimes.


ALÉA THÉRAPEUTIQUE


C'est l'aléa thérapeutique, pour lequel Bernard Kouchner, actuel ministre délégué à la santé, avait déjà bataillé lorsqu'il était au gouvernement en 1992, qui a longtemps bloqué le projet de loi. Se posait en effet l'épineux problème des quelque 200 000 personnes contaminées par le virus de l'hépatite C par transfusion, avant la mise en route du test de dépistage en 1990. Le coût du dispositif serait nettement plus onéreux en incluant ces victimes transfusionnelles de l'hépatite C et atteindrait alors 15 à 30 milliards de francs. Le gouvernement a finalement donné le feu vert à l'indemnisation de l'aléa thérapeutique, en excluant les victimes passées de l'hépatite C. Toutefois, le texte prévoit d'inscrire dans la loi une "présomption d'imputabilité" (le doute profite à la victime) pour les aider dans leurs actions en justice.

Le texte ambitionne une indemnisation assez rapide, dans un délai d'un an, pour des préjudices relativement importants. Le patient concerné devra s'adresser à une commission régionale "de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux", présidée par un magistrat et composée notamment de représentants des usagers, des professionnels et des assureurs. Si la commission juge qu'il y a faute professionnelle, l'assureur ou l'Etat, selon le cas, devra faire une offre d'indemnisation à la victime, ou à ses ayants droit en cas de décès. La victime peut cependant entamer une procédure judiciaire en cas de désaccord.

Lorsque la responsabilité d'un professionnel n'est pas engagée, qu'il n'y a pas eu faute, l'accident médical ouvre droit à la réparation des préjudices des patients, par le biais d'un fonds d'indemnisation. L'assurance-maladie financera ce dispositif à hauteur de 1 à 1,5 milliard de francs par an. Le projet de loi prévoit aussi de réformer l'expertise judiciaire et la création d'un Office national d'indemnisation chargé de verser l'argent.

Les députés sont partagés sur l'accès des patients à leur dossier médical

Le Monde, 3 octobre 2001

L'examen en première lecture du projet de loi relatif aux droits des malades et à la qualité du système de santé, commencé mardi 2 octobre, à l'Assemblée nationale, a placé les députés de l'opposition devant un exercice de style délicat. Comment se démarquer d'un texte réclamé depuis des années par l'ensemble des élus ? Les deux motions de procédure déposées par le RPR et Démocratie libérale (DL) relevaient surtout de la symbolique. Pour preuve, les deux orateurs chargés de les défendre, Jean Bardet (RPR, Val-d'Oise) et Jean-François Mattéi (DL, Bouches-du-Rhône), ont laissé entendre que leurs groupes respectifs n'envisageaient pas d'aller au-delà de l'abstention lors du vote final, jeudi 4 octobre. "Nul ne peut contester que le gouvernement et les commissions aient beaucoup travaillé", a reconnu M. Mattéi. Muguette Jacquaint (PC, Seine-Saint-Denis) a, pour sa part, assuré le soutien du groupe communiste. Concrètement, le texte prévoit d'inscrire dans la législation les droits des malades, qui ne seront donc plus une simple conséquence des obligations déontologiques des médecins. "Notre relation avec la médecine doit changer, nous voulons être considérés comme des personnes, pas comme des malades", a déclaré le ministre délégué à la santé, Bernard Kouchner, avant d'exposer les deux mesures emblématiques : la possibilité laissée aux patients d'accéder directement à leur dossier médical et la création d'un système d'indemnisation des victimes d'accidents médicaux, y compris d'accidents sans faute, c'est-à-dire de l'aléa thérapeutique. Des commissions régionales proposeront le montant du dédommagement que versera un office national d'indemnisation. L'assurance-maladie financera le dispositif pour un coût annuel de 1 à 1,5 milliard de francs.

"MAUVAISE INTERPRÉTATION"

Si le dispositif sur l'aléa thérapeutique a été salué par la plupart des députés, le libre accès au dossier médical a suscité des réticences à droite. "J'y suis opposé, a confié M. Bardet. En tant que médecin hospitalier, je peux témoigner qu'on ne peut pas tout dire aux malades. La vérité, si elle est cruelle, peut provoquer un effondrement moral du patient. De plus nous n'avons pas toujours le temps nécessaire pour expliquer toutes les données. Il faudrait plus de médecins et d'infirmières pour se donner les moyens de cette mesure". M. Mattéi a mis en garde contre "le caractère anxiogène de certaines informations et sur la mauvaise interprétation des informations." Le président du groupe Démocratie libérale redoute "un enfermement du médecin dans un rôle déshumanisé de technicien".Par ailleurs, le projet de loi consacre, selon M. Kouchner, "les droits collectifs des malades et de leurs associations". Le ministre délégué a annoncé l'organisation d'un débat annuel sur la politique de santé au Parlement, avant la discussion du projet de loi de financement de la Sécurité sociale. Il a insisté sur la modernisation des ordres professionnels de santé et la politique de prévention. " Gadgets démagogiques", a vitupéré M. Bardet, qui a élargi le débat au "dysfonctionnement du secteur hospitalier." Jean-Luc Préel (UDF, Vendée) a jugé que "le projet de loi pèche par ce qu'il ne contient pas". Bernard Accoyer (RPR, Haute-Savoie) a dénoncé "un dossier pitoyable" avant de susciter l'émoi de la gauche en parlant d'un "génocide" du système hospitalier.

Elie Barth et Paul Benkimoun

Le secret médical, premier droit du patient

LOUISE CADOUX, LM, 3 octobre 2001

Le dépôt récent du projet de loi relatif aux droits des malades et à la qualité du système de santé soulève un certain nombre de questions quant aux traitements que font subir les technologies de l'information et de la communication sur la protection des données personnelles. A commencer par la question du secret médical.

Le secret médical, affirmé notamment par le code de déontologie médicale, est de longue date la première des protections accordées au malade. Il est à ce point impératif qu'il garantit l'intimité du patient jusqu'à l'égard de ses plus proches, sa famille, son conjoint, et que même le malade ne peut relever le médecin de son secret. Seule une loi peut le faire, et c'est une loi qu'il a fallu en 1994 pour permettre, sous certaines garanties, la transmission de données de santé aux chercheurs. Sans doute, avec le développement des soins à l'hôpital, le concept de « secret médical partagé » a-t-il été élaboré, mais c'est assorti de la précision que ne pouvaient se réclamer de cet assouplissement que les professionnels de santé participant directement aux soins.

Le projet de loi dans le titre premier, « Droits des malades », va permettre au patient « dûment informé » de dire son mot lors des transmissions d'informations, de médecin à médecin, concernant sa santé, en lui ouvrant un droit d'opposition, ce qui est un progrès par rapport au régime actuel du secret partagé. Bien conscient de la pénétration des nouvelles technologies dans la gestion des informations du malade, le projet prévoit qu'un décret en Conseil d'Etat, pris après avis de la CNIL, posera des règles sur l'utilisation des supports informatiques et les conditions et outils de communication des informations concernant les patients, de manière à assurer la confidentialité des données. Il faudra veiller à la rédaction du décret annoncé.`

L'exigence de l'anonymat (grâce au codage des données par des algorithmes à sens unique) apparaît depuis deux ans dans des applications diverses. Soit ces dernières rassemblent un nombre considérable de données, de sorte qu'une information au départ anonyme cesse de l'être dès qu'elle est croisée avec d'autres informations (système national interrégimes de l'assurance maladie créé par la loi du 23 décembre 1998, traitement de données personnelles de santé à des fins d'évaluation ou d'analyse des activités de soin ou de prévention de l'article 41 de la loi CMU du 27 juillet 1999). Soit il s'agit de données par elles-mêmes sensibles (surveillance épidémiologique des maladies infectieuses du décret du 16 mai 2001). L'anonymat devrait donc trouver sa place dans ce futur dispositif qui fera vraisemblablement un large appel aux techniques de cryptage.

Par ailleurs, le projet apporte deux dérogations au secret médical. L'une, « en cas de diagnostic ou de pronostic grave », en faveur de la « famille ou des membres de l'entourage direct du malade » mais, là aussi, sauf opposition du patient. L'autre, en multipliant les dérogations au secret médical pour les médecins chargés de contrôles administratifs divers.Les bonnes intentions du projet ne suffiront pas à elles seules à borner les risques : tel médecin, à l'occasion de l'achat d'un logiciel de connexion de son PC à Internet, ne reste pas sourd aux sirènes du fournisseur qui, par ailleurs construisant des statistiques pour tel laboratoire, est friand de données et propose de le rétribuer pour la cession des données de ses malades. C'est évidemment inacceptable. Mais l'éthique ne se décrète pas.

Débat consensuel à l'Assemblée nationale sur les droits des malades

 PAUL BENKIMOUN, LM, 5 octobre 2001

SOIXANTE-TROIS sur près de quatre cents. Après la séance de mercredi 3 octobre, qui s'est pourtant achevée à 1 heure, jeudi matin, les députés ne sont pas près d'avoir terminé l'examen des amendements au projet de loi relatif aux droits des malades et à la qualité du système de santé. La discussion se poursuivra jusque tard dans la nuit de jeudi 4 à vendredi 5 octobre. Les parlementaires ont commencé leurs travaux par une discussion sur la demande défendue par Jean-François Mattei (DL, Bouches-du-Rhône) de renvoi du texte en commission.

Tout en saluant le travail du gouvernement et des commissions, M. Mattei a estimé que « les solutions proposées ne correspondent en rien à la réalité, ni en ce qui concerne la démocratie sanitaire ni pour ce qui est de la responsabilité et du système d'indemnisation ». Bernard Kouchner, ministre délégué à la santé, lui a notamment opposé l'ambition du texte de « revoir les fondements mêmes de l'éthique médicale » et de vouloir « équilibrer davantage » la relation médecin-malade. Le ministre a insisté sur le rôle et la représentativité des associations d'usagers du système de santé, dont il souhaite qu' « elles puissent mieux se faire entendre. » M. Kouchner a également défendu la nécessité de « distinguer la faute de l'aléa, sinon il n'y aura plus de responsabilité, ni du médecin ni de l'établissement ». La motion de renvoi en commission n'a pas été adoptée. L'examen des amendements allait pouvoir commencer. « DÉMOCRATIE SANITAIRE »

Parmi les amendements adoptés, on peut retenir ceux portant sur la scolarisation des enfants hospitalisés, les risques de discrimination posés par les tests génétiques et l'inclusion de la réflexion sur les questions éthiques dans les missions des hôpitaux. Présenté par le rapporteur du projet de loi, Jean-Jacques Denis (PS, Meurthe-et-Moselle), au nom de la commission des affaires culturelles, un amendement affirme un droit pour les enfants d'âge scolaire, « dans la mesure où leurs conditions d'hospitalisation le permettent, à un suivi scolaire adapté délivré au sein des établissements de santé ».

Sans attendre la révision des lois de bioéthique, Alain Claeys (PS, Vienne) a défendu l'insertion dans le projet de loi d'un volet propre au code civil, au code pénal et au code du travail portant sur la prohibition des discriminations en raison des caractéristiques génétiques. Approuvé par le ministre délégué à la santé, cet amendement a été adopté. Cela a été également le cas de la modification, présentée par M. Denis, visant « à inclure dans les missions de l'hôpital la réflexion sur les questions d'éthique, en vue de garantir le respect des droits des malades ». Faisant référence à l'exemple de l'Espace éthique de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris, le rapporteur a situé cet amendement dans l'objet du texte : « Encourager les équipes soignantes à s'approprier la démocratie sanitaire. »

Hormis quelques brefs échanges vifs, la tonalité générale de la discussion sur le titre I du projet de loi, consacré à la démocratie sanitaire a mis en évidence la convergence de préoccupations entre les intentions du gouvernement dans ce domaine et celles de représentants de l'opposition, pour laquelle se sont notamment exprimés Bernard Accoyer (RPR, Savoie) et Jean-Michel Dubernard (RPR, Rhône). Ce dernier s'est employé à « mettre en garde » le gouvernement contre le risque de réactions défavorables des professionnels de santé et des médecins au premier chef. « Nous souhaitons d'abord que ce texte, qui comporte d'indéniables avancées, atteigne ses objectifs, a ainsi expliqué M. Dubernard. Il importe pour cela que la relation de confiance entre le médecin et le malade (...) ne se transforme pas en défiance. Si le corps médical venait à se retourner contre ce projet, l'intérêt des malades comme de la médecine en pâtirait. » Une préoccupation avec laquelle M. Kouchner s'est déclaré « tout à fait d'accord ».

Les députés adoptent le projet de loi renforçant les droits des malades

ELIE BARTH, LM, 6 octobre 2001

Au terme d'un examen de trois jours, marqué par de nombreuses convergences entre majorité et opposition, l'Assemblée nationale a adopté en première lecture, dans la nuit du jeudi 4 au vendredi 5 octobre, le projet de loi relatif aux droits des malades et à la qualité du système de santé. Le texte présenté par Bernard Kouchner, ministre délégué à la santé, a été voté par les socialistes, les communistes et le groupe Radical, Citoyen et Vert. Partagés entre les « avancées contenues dans le projet de loi » et « un certain nombre de lacunes », le RPR, l'UDF et Démocratie libérale (DL) ont choisi de s'abstenir.

La mesure phare du texte gouvernemental - l'indemnisation des victimes de l'aléa thérapeutique, considérée par M. Kouchner comme un dispositif « unique au monde dans l'étendue de sa couverture » - a été saluée sur tous les bancs de l'hémicycle. La réparation des conséquences des risques sanitaires concernera les accidents médicaux sans faute, les affections iatrogènes et les infections nosocomiales. En revanche, seuls les hémophiles contaminés six mois avant la promulgation de la loi seront dédommagés. « Il aurait fallu aller un peu plus loin en appelant à la solidarité nationale », a déclaré Jean-Michel Dubernard (RPR, Rhône). La prise en compte de tous les malades atteints de l'hépatite C a été évaluée, par M. Kouchner, à 25 milliards de francs. « Nous avons fait ce que nous avons pu », a-t-il plaidé tout en laissant la porte ouverte à une renégociation du champ d'application au cours de la discussion du projet de loi au Sénat.`

La possibilité offerte aux patients d'accéder au dossier médical sans passer obligatoirement par un médecin a suscité davantage de réserves parmi les parlementaires de l'opposition. Marc Laffineur (DL, Maine-et-Loire) a mis en garde contre « les risques thérapeutiques » que subiraient les malades subitement confrontés à une « vérité implacable ». M. Kouchner a justifié la mesure en insistant sur « le changement de culture dans la relation entre le malade et le médecin » qui va rétablir « la confiance ».

L'examen des amendements a été marqué par la reconnaissance de la gynécologie médicale à l'initiative de Jacqueline Fraysse (PCF, Hauts-de-Seine). La création d'un diplôme d'études spécialisées, qui avait été supprimé en 1986, permettra à chaque femme de consulter le gynécologue de son choix et d'être remboursée par le biais de l'assurance-maladie. « Les ordonnances Juppé subordonnaient l'accès à un gynécologue, ou du moins le remboursement de cette consultation, à une visite préalable chez un généraliste », a rappelé Mme Fraysse.

Repoussée en commission, la disposition a été approuvée à l'unanimité des vingt - six votants, après que M. Kouchner eut demandé une interruption de séance pour dégager un consensus. « C'est un des problèmes les plus difficiles que j'ai eu à résoudre », a-t-il souligné en évoquant les antagonismes entre gynécologues médicaux et gynécologues-obstétriciens. « Je ne comprendrai pas que sur un tel sujet on continue à se disputer, ça suffit ! », a-t-il martelé.

Les députés ont encadré l'exercice de la chirurgie esthétique en instaurant, notamment, des amendes pour les praticiens exerçant sans autorisation et un contrôle des installations. Dans la matinée, l'Assemblée avait approuvé l'usage professionnel des titres d'ostéopathe et de chiropracteur, jusqu'alors réservés aux seuls médecins, sous condition de l'obtention d' « un diplôme sanctionnant une formation technique ». « Il était temps de se mettre à l'unisson de nos partenaires européens », a observé M. Kouchner. Enfin, les élus de la majorité ont adopté une mesure symbolique en transformant l'ordre des médecins en conseil national des médecins. « Dans les faits, ça ne changera pas grand-chose mais la gauche a toujours été contre l'ordre des médecins », a souligné Jean Bardet (RPR, Val-d'Oise).

 

Loi relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé

La loi no 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé, aussi appelée loi Kouchner (ministre de la Santé de l'époque) ou loi anti-Perruche (affaire de la rubéole) a été promulguée par le Président de la République françaiseJacques Chirac. Considérée comme l'occasion de régler les difficultés soulevées par l'arrêt Perruche, cette loi a été élaborée après de nombreuses concertations4 et déclare avoir pour objectif de développer la démocratie sanitaire (titre Ier), d'améliorer la qualité du système de santé (titre II) et de mieux réparer les risques sanitaires (titre III).

Dispositions principales de la loi

Établissant la notion juridique de droit des malades, elle instaure :

  • une meilleure représentation des usagers au sein des grandes institutions de la Santé et des Hôpitaux ;
  • le droit des patients d'accéder directement (sans passer par un médecin) et de disposer de la totalité de leur dossier médical. Le dossier médical personnel, créé par la loi de 2004, reste la propriété des patients 4;
  • une indemnisation de l'aléa thérapeutique, c'est-à-dire d'un accident médical sans faute du professionnel.

La « loi Kouchner » :

  • modifie également les dispositions de la loi de 1990, concernant l'hospitalisation sans consentement. Elle précise en outre qu'« aucun acte médical ni aucun traitement ne peut être pratiqué sans le consentement libre et éclairéde la personne et ce consentement peut être retiré à tout moment »;
  • oblige en outre les médecinsà faire connaître leurs liens avec les entreprises lorsqu'ils communiquent à propos d'un produit médical : médicament, etc.
  • autorise — compte tenu des décrets d'applicationpubliés à ce jour — la pratique de l'ostéopathiesous certaines conditions (en particulier en la restreignant aux cas pouvant être soignés par de la simple médecine douce et ne requérant pas d'intervention médicale plus poussée).