Jean Delay (1907-1987)
Né à Bayonne au début du siècle dernier, externe des hôpitaux à dix-sept ans et interne à vingt ans, nommé médecin des hôpitaux à l’asile de Bicêtre en 1937, le neuro psychiatre Jean Delay est le premier à avoir introduit la pratique de l’encéphalographie en France. En 1941, il se voit affecter la chaire de clinique des maladies mentales à l’hôpital Sainte-Anne où il remplace le professeur Lévy-Valensi qui mourra en déportation. Il étudie là les effets psychologiques et biologiques de l’électro-choc sur les malades mentaux. Grâce à l'encéphalographie gazeuse qu'il a introduite comme premier moyen d'exploration du cerveau vivant, il dégage le concept d’un syndrome neuro-biologique commun aux méthodes de choc (syndrome di encéphalique). En 1945, Delay est nommé expert au procès de Nuremberg où il est chargé d’examiner Rudolph Hess, l'ancien bras droit de Hitler qui a quitté le Reich en pleine guerre pour tenter de faire la paix avec les Anglais, ainsi que Julius Streicher le sinistre idéologue de l'antisémitisme nazi. Nommé directeur de l’Institut de psychologie de l'hôpital Sainte Anne au lendemain de la guerre, il préside le premier congrès mondial de psychiatrie réuni à Paris en 1950. Deux ans plus tard, avec son collaborateur Pierre Deniker, il a l’idée d’appliquer au traitement de certaines maladies mentales une molécule, la chlorpromazine, employée par le dr. Henri Laborit au Val de Grâce pour provoquer l’hibernation artificielle. L'efficacité de la chlorpromazine, puis d’autres drogues comme la réserpine, marque les débuts de la chimiothérapie en psychiatrie. Celle-ci bouleverse le traitement des aliénés puisqu’elle démode l’électrochoc et abolit l’usage de la camisole de force. En 1955, apparaît le terme de neuroleptique et, grâce aux nouvelles techniques d'exploration du subconscient (narco-analyses et épreuves amphétaminiques), l’équipe de Sainte-Anne démontre que nos dispositions affectives fondamentales sont réglées par un mécanisme cérébral unique, comme l’avait pressenti le physiologiste Emil Kraepelin avant la guerre, mais sans pouvoir le démontrer. Jean Delay a aussi développé des recherches en psychiatrie expérimentale en utilisant des agents hallucinogènes, comme le LSD. Réticent vis à vis des théories psychanalytiques, notamment celles de Freud et de Jung, il s'est vu parfois qualifier « de médecin par les psychologues, de psychologue par des psychiatres et de psychiatre par les neurologues ». En mai 1968, les tenants de l'antipsychiatrie qui prône la séparation de la psychiatrie et de la neurologie, occupent son bureau. Amer, il démissionne discrètement de ses fonctions hospitalières pour revenir son autre vocation, celle d’homme de lettres (il est l’auteur d’une biographie du romancier André Gide publiée en 1952). Retraité, Jean Delay entreprend une sociobiographie de la France à travers la famille de sa mère. Comme spécialiste de la mémoire, il veut franchir ce que Charles Péguy appelait le "mur des quatre (grands-parents)". 'Avant mémoire' publié chez Gallimard en quatre volumes de 1979 à 1986 symbolise ainsi la naissance d’un nouveau genre littéraire : la psycho-sociobiographie. La découverte des neuroleptiques qui l’avait conduit à l’Académie de médecine n’a pas laissée indifférente non plus l'Académie Française où il est entré en 1960.
Jean Delay a publié en 1935, 'Les Astéréognosies, étude de la pathologie du toucher' ; en 1941, 'Les Ondes cérébrales et la psychologie' ; en 1942, 'Les Dissolutions de la mémoire'; en 1946, 'Les Dérèglements de l’humeur' avec une Préface de Gustave Roussy ; en 1950, 'Méthodes biologiques en clinique psychiatrique' ; en 1953, 'Études de psychologie médicale' ; en 1956, 'Aspects de la psychiatrie moderne'.
Voir : Perspectives pharmaco-physiologiques, La Nature, 1961, pp. 457-459