Minkowski Alexandre
Alexandre Minkowski est né le 5 décembre 1915 à Paris. Il a mené ses études secondaires et universitaires respectivement à l'Ecole alsacienne et à la faculté de médecine de Paris.
Titres et fonctions hospitalo-universitaires
Interne des hôpitaux de Paris (1938), docteur en médecine (juin 1944), assistant des hôpitaux de Paris (1946), chef de clinique à la faculté de médecine de Paris (1946-1948), agrégé de pathologie expérimentale (1958), médecin des hôpitaux de Paris (1960), maître de conférence agrégé de pédiatrie - plein temps (1962)
Chef du service de réanimation et de médecine néonatale à l'hôpital Port-Royal (1966),
Professeur émérite de néonatologie à la faculté de médecine Cochin - Port-Royal à Paris - université René Descartes (1961-1987).
Titres et fonctions de recherche
Chargé de recherche (1947-1954), puis maître de recherche (1954-1962) à l'INH
Directeur du centre de recherches de biologie du développement fœtal et néonatal de l'Association Claude Bernard - INH (1955-1962), devenu unité Inserm 29 (1964-1985), à l'hôpital Cochin - Port-Royal.
Missions d'enseignement et de recherche à l'étranger
Boursier de la fondation Rockefeller à l'université de Harvard aux Etats-Unis en physiologie néonatale (1946-1947), consultant des National Institutes of Health (NIH) américains, professeur à l'université du Colorado (Denver, 1962), professeur « visiteur » des universités de Yale, Stanford, Harvard, Northwestern
Fellow du Royal College of Physicians (Londres), Fellow du Royal College of Child Health and Pediatrics (Grande-Bretagne).
Sociétés savantes
Membre de la Société de pédiatrie et de l'Association des pédiatres de langue française,
de la Société de pharmacologie et de thérapeutique, du Cercle d'études cliniques et biologiques, membre de l'Association de l'Ecole des hautes études pour la recherche en sciences sociales.
Membre fondateur de la Société européenne de recherches pédiatriques, de la Société néonatale britannique, de la Société cubaine de pédiatrie, de l'Organisation internationale pour l'étude du développement humain.
Fondateur (1953) et éditeur en chef de la revue scientifique « Biologia neonatorum » devenue « Biology of the Neonate » - Centre international de l'enfance (S Karger Publishers)
Aide aux inadaptés
Vice Président du conseil scientifique et du conseil d'administration du Comité d'étude et de soins aux arriérés profonds de la Région parisienne.
Membre du conseil d'administration des volontaires franco-américains au service des inadaptés mentaux.
Activités humanitaires
Ancien membre du Haut conseil de la famille et de la population de la Présidence de la République ; ancien chargé de mission au secrétariat d'Etat auprès du Premier Ministre, chargé de l'action humanitaire ; ancien conseiller régional d'Ile-de-France, membre du comité d'honneur de l'Unicef, Conseiller scientifique de l'association «Partage avec les enfants du monde»
Travaux dans le domaine de la physiologie du nouveau-né, du prématuré et du fœtus ; travaux concernant le développement du système nerveux central, la réparation du cerveau chez l'enfant après traumatisme de guerre (génocides en Bosnie, au Rwanda et au Cambodge).
Décorations
Grand Officier de la Légion d'honneur, Croix de Guerre 39-45, Médaille de la Résistance.
Alexandre Minkowski a su, tout au long de sa carrière, conjuguer avec brio ses activités hospitalo-universitaires et celles de recherche. L'organisation de son unité Inserm, proche de l'unité de soins intensifs (au 4ème et au 5ème étages du bâtiment, se trouvaient respectivement l'unité de soins intensifs et l'unité de recherche), a permis à Alexandre Minkowski de faire collaborer des disciplines comme la neurologie néonatale et fœtale, l'électro-encéphalographie, la biochimie, la bactériologie...
Ses travaux de recherche dans le domaine de la physiologie du nouveau-né, du prématuré et du fœtus ou concernant le développement du système nerveux central, la réparation du cerveau chez l'enfant après traumatisme de guerre (comme les génocides en Bosnie, au Rwanda et au Cambodge) lui ont permis de participer activement à la réflexion sur les questions de société majeures. Son engagement s'est traduit tant au niveau collectif qu'individuel, notamment comme membre du Haut conseil de la famille et de la population de la présidence de la république et conseiller scientifique de l'association « Partage avec les enfants du Monde ».
Ouvrages scientifiques
· Biologie du développement. Flammarion médecine-sciences, Paris, 1981
· Physiological and biochemical basis for perinatal medicine. S Karger, Bâle, 1981
· Progrès en néonatologie. S Karger, Bâle, 1982
· Developpemental biology. Raven Press, 1986
Ouvrages « grand public »
· Le mandarin aux pieds nus : entretiens avec Jean Lacouture. Seuil 1975, 1977
· Une certaine idée de la médecine, avec Paul Milliez , Ramsey, Paris, 1981
· Un juif pas très catholique. Le Seuil, Paris, 1982
· La maternité. Fayard, Paris, 1982
· Pour un nouveau-né sans risque, Stock 1976, Le Seuil, Paris, 1983
· L'impertinent. Lattès, Paris, 1984
· Sauver la santé. Lattès, Paris, 1985
· Progrès génétiques et biologiques : effets sur la démographie et la population. La Documentation française, Paris, 1988
· Mémoires turbulents Plon, Paris, 1990
· Pour les enfants du monde, Edition N°1, Unicef, 1991
· L'art de naître. Le Seuil, Paris, 1991
· Le vieil homme et l'amour, Robert Laffont, Paris, 1992
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Revue du Praticien
Janvier 1976
Numéro spécial « Fœtus »
Introduction
par Alexandre Minkowski
(Président de la Société française de médecine périnatale et directeur de l'Unité Inserm de recherches sur le développement du fœtus et du nouveau-né)
Le lecteur voudra bien me pardonner si je commence par lui faire part de quelques réflexions personnelles. Aux alentours de la soixantaine, je suis de plus en plus sollicité de rédiger des avant-propos, des éditoriaux, de préfacer des livres ; tout récemment, un auteur me demandait de préfacer son ouvrage sur la sexualité, ce que j'ai refusé en invoquant mon incompétence en la matière.
Si j'éprouve aujourd'hui une joie réelle à introduire le sujet de la médecine du fœtus, cela tient surtout à mon contentement de voir enfin les Français engagés sur une voie scientifique réelle, rigoureuse et même originale, dans une branche qui fut pendant des années le domaine réservé des Anglo-Saxons. Cela tient aussi à ce que Paul Toubas, chargé de composer ce numéro, comme Jean-Pierre Relier, tous deux médecins du service de médecine néonatale de Port-Royal, ont décidé, après la trentaine, de passer deux ans aux États-Unis à faire de la physiologie sur le fœtus d'agneau. Avec eux, sous la direction de Catherine Tchobroutsky, pionnier en la matière, et avec Michèle Monset-Couchard, chargée de recherches à notre unité du développement, un laboratoire de physiologie du fœtus animal s'établit dans notre CHU. C'est une étape à marquer d'une pierre blanche. C'est ainsi que progresseront nos connaissances dans un domaine qui fut longtemps considéré comme inabordable.
Le temps n'est en effet pas tellement éloigné où l'on considérait le fœtus comme un être mystérieux chez lequel l'âme entrait, selon saint Augustin, à 40 jours chez les garçons et plus tard naturellement chez les filles.
Qui a mis fin, en médecine, à cet obscurantisme ? Sans aucun doute, Sir Joseph Barcroft, le grand physiologiste anglais, dont les travaux sur la circulation chez le fœtus de mouton et de chèvre, dans la première moitié de ce siècle, sont encore actuels.
C'est aussi pendant cette période que William Windle publiait le premier livre moderne sur la physiologie du fœtus et que Mieceslas Minkowski étudiait le premier des réflexes de ce qu'il appelait à l'époque le fœtus humain et qui constituerait pour nous, en 1975, un prématuré. Le lecteur ne m'en voudra peut-être pas d'évoquer ici mes promenades d'enfant de dix ans dans le laboratoire de mon oncle à Zurich. Il est probable que la vue de ces fœtus en bocaux n'est pas étrangère à mon orientation en médecine.
Pendant ces trente dernières années nous avons dû l'essentiel de nos connaissances scientifiques en physiologie fœtale d'abord à la remarquable école britannique où, après Barcroft, fleurissent les travaux de Mac Cance, de Nixon et d'Alexander sur le rein, de Dawes et Mott sur la circulation, de Dawkins et Hull sur les graisses brunes, de Strang sur la perméabilité des capillaires, et de bien d'autres. Les Suédois (Lind et Karlberg), les Finlandais, les Tchèques et, bien sûr, les Américains se joignent dans ce domaine aux Anglais, comme aussi Caldeyro-Barcia en Uruguay et Sahling en Allemagne.
En France, Jost redonne à la physiologie fœtale sa prééminence en matière d'endocrinologie. Catherine Tchobroutsky est la première à identifier réellement les mouvements respiratoires du fœtus, ce qui lui vaut la reconnaissance à l'étranger. Sureau précise et affine l'électrocardiographie fœtale, Pontonnier est un des premiers à mesurer les débits utéro-placentaires.
S. Saint-Anne Dargassies et J.-C. Larroche ont créé l'École française de développement du système nerveux, et c'est à Colette Dreyfus-Brisac et à son groupe qu'il appartient d'enseigner aux Américains ce qu'était l'électrophysiologie du développement. Rosen, aux Etats-Unis, fait maintenant de l'électrophysiologie fœtale, à laquelle se sont attelés des Parisiens et des Lyonnais. C. Amiel-Tison précise la souffrance cérébrale du fœtus, Toubas et Relier le stress fœtal.
Pourquoi ne pas le dire et s'en réjouir, la physiologie du fœtus a enfin pris son essor en France et les praticiens qui nous liront devront une partie de leur information à des travaux originaux de chez nous. Si l'on ne veut pas que cet effort soit sans lendemain, il faut encourager nos jeunes internes, nos chefs de clinique à aller à l'étranger pour un ou deux ans ou plus.
Quelles sont les avenues actuelles de la médecine et de la physiologie fœtales ?
1. Une place déterminante revient, bien sûr, à la maturation pulmonaire depuis les travaux de Gluck. Ic,i nous sommes passés à la biochimie fondamentale, à l'identification des précurseurs des composés du surfactant, à l'accélération de la production de ce dérivé dans le stress fœtal (hypertension, hématome rétroplacentaire, rupture prématurée de la poche des eaux, etc.), à sa destruction dans certaines circonstances. Un long débat est encore en cours sur les effets inducteurs de la corticothérapie, prouvés chez l'animal, mais dont les inconvénients sur la prolifération cellulaire font encore hésiter quelques-uns à l'utilisation chez la femme.
2. La pharmacologie fœtale en est encore à ses débuts. Catz, Yaffé, Boreus lui ont donné son essor. Mais il y a un fossé entre les interdits ou les permissions clamées par les cliniciens et la connaissance fragmentaire réelle de quelques faits rigoureusement démontrés. Tout médicament, tout anesthésique doivent être considérés comme potentiellement dangereux pour le fœtus tant qu'on n'a pas pu faire la preuve de leur innocuité.
3. La croissance et le développement in utero font depuis quelques années partie des grands thèmes de recherche fondamentale. Savoir quels sont les mécanismes de la prolifération où intervient surtout la synthèse de l'ADN, de la différenciation cellulaire ou intervient surtout l'ARN, est maintenant une de nos préoccupations, depuis que nous savons que les organes ne « poussent pas » au même rythme (Dobbing) et que notre unité a pu montrer que le système nerveux est relativement épargné, contrairement au foie qui est très touché. Les voies de synthèse des pyrimidines nucléotides (« de novo » de Kretchmer ou de « sauvetage ») sont maintenant connues.
Chapeville et son équipe à l'IBM de Paris avec qui nous sommes liés, Nunez et son groupe de culture de tissus, Contamine de l'Institut Pasteur se sont rencontrés récemment chez nous au cours d'un séminaire. J.-M. Roux, Tordet, Swierczewski et Chanez, avec leurs jeunes collaboratrices Cogneville et Fulchignoni, montrent que certaines enzymes (comme l'uridine kinase) sont différentes dans le foie et le cerveau et que leur activité peut s'arrêter pile dans certains organes à la naissance.
Winick et Brasel, Metcoff, Zamenhof, Creasy et Rudolph, Myers aux États-Unis poursuivent leurs travaux dans cette voie, ce qui nous permettra peut-être un jour de remédier au retard de croissance intra-utérine.
4. L'hémodynamique fœtale est un sujet exploré depuis longtemps, mais la technique est ici primordiale dans l'interprétation des résultats (Rudolph). Le ralentissement circulatoire, la redistribution des flux, à chacun des organes, le stress, la sous-irrigation cérébrale sont autant de sujets sur lesquels le clinicien voudra être renseigné lorsqu'il aura une décision importante à prendre.
5. L'endocrinologie du fœtus et du nouveau-né est une des branches où l'école française s'est distinguée, à Lyon entre autres et à Paris au Collège de France, et aux Enfants-Malades.
6. L'épidémiologie est devenue une véritable voie de recherche depuis la « Perinatal mortality survey » des Britanniques, suivie en France par Emile Papiernik.
7. Enfin l'infection materno-fœtale doit être dépistée à temps.
On a peu avancé récemment dans le domaine du métabolisme de la bilirubine et de l'hémorragie intracrânienne ; la parole appartient ici aux histologistes (J.-CI. Larroche) et aux physiologistes.
Il faut ici de la rigueur, mais aussi des idées neuves.
Enfin, quels que soient nos progrès dans notre connaissance du fœtus, rien ne vaudra jamais la prévention de la souffrance fœtale et de la prématurité par l'application de mesures simples de surveillance prénatale, trop simples, semble-t-il, pour être généralisées à toute la population.