Daniel Schwartz
Photo M. Depardieu
Daniel Schwartz est né le 30 janvier 1917 à Paris. Il a mené ses études secondaires au lycée Jeanson-de-Sailly à Paris.
École polytechnique (1937-1939). Ingénieur affecté au service de recherches biologiques à la SEITA (Société d'exploitation industrielle des tabacs et des allumettes).
Licence ès sciences (1946).
Ingénieur en chef, directeur du service des recherches biologiques (1955).
Maître de recherche (1959), directeur de recherche (1962) à l'Inserm.
Chef des services statistiques à l'Institut Gustave Roussy à Villejuif (1959).
Directeur de l'unité Inserm 21 de recherches statistiques (1960-1985).
Fondateur et directeur du CESAM - Centre d'enseignement de la statistique appliquée à la médecine et à la biologie médicale (1962).
Professeur titulaire à la faculté de médecine Paris XI, Orsay (1968).
Professeur honoraire à l'université Paris XI, professeur émérite (1988-1993).
Daniel Schwartz est décédé le 6 septembre 2009 à Paris.
Voir aussi un entretien avec J. P. Jean et R. Padieu in Pénombre, mars-mai 1997
Instances scientifiques
Membre de commissions scientifiques spécialisées de l'Inserm « Epidémiologie, médecine préventive et action médico-sociale » (1964-1967) et « Santé publique, environnement, écologie, écologie parasitaire, biomathématiques, biostatistiques et épidémiologie générale, informatique » (1974-1979), membre du conseil scientifique de l'Inserm (1965-1967).
Membre du comité consultatif national d'éthique des sciences de la vie et de la santé (1983-1992).
Sociétés savantes – Académies
Membre correspondant de l'Académie des sciences – Institut de France (1994), section biologie humaine et sciences médicales.
Distinctions – Prix
Prix Monthyon de l'Académie des sciences – Institut de France.
Officier des palmes académiques, commandeur de la Légion d'honneur.
Travaux scientifiques
Daniel Schwartz s'est orienté, dès 1949, vers les statistiques, d'abord appliquées à l'agronomie, puis à la biologie et à la médecine.
Ses recherches en épidémiologie lui ont valu une grande notoriété internationale. Il est l'un des premiers à avoir montré le rôle du tabac dans l'étiologie des cancers bucco-pharyngés et l'importance de l'inhalation de la fumée dans les cancers du poumon. Il a pu également évaluer l'implication du tabac dans les affections cardiovasculaires (notamment l'athérosclérose coronarienne, l'artérite oblitérante des membres inférieurs et l'hypertension artérielle). En diabétologie, il a proposé une méthodologie originale, fondée sur le comptage du nombre de micro-anévrismes oculaires chez des patients atteints de rétinopathie diabétique.
Daniel Schwartz s'est également tourné vers d'autres domaines de recherche, en particulier celui de la fertilité. Avec ses collaborateurs, il a montré, par exemple, que la probabilité de conception au cours d'un cycle menstruel est l'équivalent de l'incidence d'une maladie. Grâce à des modèles mathématiques, il a pu mesurer la fertilité, en tenant compte de différents facteurs (durée d'observation, fréquence des relations sexuelles etc.) Puis, ses recherches se sont orientées vers le champ de l'insémination artificielle, notamment pour mesurer la viabilité du sperme congelé. Il a été le premier à estimer la mortalité in utero précoce et à mettre en évidence l'importance de celle-ci.
Daniel Schwartz a également mis en route des enquêtes sur le sida et les sujets séropositifs, en particulier pour étudier la transmission materno-fœtale de cette affection.
Dans le domaine des essais thérapeutiques, son rôle a également été prédominant. Avec ses collaborateurs Joseph Lellouch et Eveline Eschwège, il a été le premier, en France, à avoir effectué des essais avec tirage au sort et à en avoir codifié les règles. Il a fait faire de grands progrès à la méthodologie de ces essais, notamment en introduisant une distinction entre essais pragmatiques et essais explicatifs, ce qui est devenu classique depuis. Enfin, c'est sous son influence que des structures ont été mises en place pour effectuer ces essais, non seulement en cancérologie, mais également en cardiologie, et pour mesurer les effets thérapeutiques d'un traitement homéopathique et, en ce dernier domaine, un des essais a démontré l'absence d'effet.
Il faut souligner que Daniel Schwartz est véritablement le père de la biostatistique française. Son enseignement à l'Institut de statistiques de l'université de Paris, puis au Centre d'enseignement de la statistique appliquée à la médecine et à la biologie médicale (CESAM), où plusieurs milliers d'étudiants ont été formés en 30 ans à la biostatististique, a joué un rôle majeur dans l'essor de cette discipline en France.
Il convient enfin de noter le rôle important, dans cette discipline, de deux statisticiens, Philippe Lazar et Robert Flamant qui ont été nommé respectivement à la direction de l'Inserm (1982-1996) et à celle de l'Institut Gustave Roussy (1988-1994).
Bibliographie sélective
- Denoix PF, Schwartz D. Tobacco and cancer of the bladder. Bull Assoc Fr Etud Cancer 43: 387-93, 1956.
- Schwartz D, Anguera G, Lenegre J. Tobacco and coronary atherosclerosis. Study of 956 cases and 956 controls. Rev Fr Etud Clin Biol 6: 645-56, 1961.
- Schwartz D, Flamant R, Lellouch J, Denoix PF. Results of a French survey on the role of tobacco, particularly inhalation, in different cancer sites. J Natl Cancer Inst 26:1085-88, 1961.
- Schwartz D, Lellouch J, Flamant R, Denoix PF. Alcohol and cancer. Results of a retrospective investigation. Rev Fr Etud Clin Biol 7: 590-604, 1962.
- Schwartz D, Lazar P. Notions of synergy and antagonism in medicine and biology. Rev Fr Etud Clin Biol 9: 592-5, 1964.
- Flamant R, Lasserre O, Lazar P, Leguerinais J, Denoix P, Schwartz D. Differences in sex ratio according to cancer site and possible relationship with use of tobacco and alcohol. review of 65,000 cases. J Natl Cancer Inst 32: 1309-16, 1964.
- Schwartz D. Can one know if Hodgkin's disease is curable? Statistical commentary. Nouv Rev Fr Hematol 6:111-5, 1966.
- Schwartz D. Research methods in epidemiology. Bull Inst Natl Sante Rech Med, 21 : 1, 25-31, 1966.
- Schwartz D, Lasserre O, Flamant R, Lellouch J. Alcohol and cancer. A study of geographic pathology concerning 19 countries. Eur J Cancer 2: 367-72, 1966.
- Schwartz D. Alcohol and cancer. Study of pathologic geography. Cancro 19:200-9, 1966.
- Schwartz D, Lellouch J. Explanatory and pragmatic attitudes in therapeutical trials. J Chronic Dis 20: 637-48, 1967.
- Schwartz D, Lellouch J. Withdrawals in a therapeutic trial. Biometrics 23:135-52, 1967.
- Richard JL, Beaumont JL, Schwartz D. Epidemiological survey on various factors in atherosclerosis. Initial results 1963-1964. Bull Inst Natl Sante Rech Med 22: 215-38, 1967.
- Lellouch J, Schwartz D, Tran-M H. The relationships between smoking and levels of serum urea and uric acid. Results of an epidemiological survey. J Chronic Dis 22: 9-15, 1969.
- Richard JL, Lelouch J, Claude JR, Schwartz D. Blood lipids, tobacco consumption and corpulence. Study of an active male population of 7,972 subjects. Rev Atheroscler Paris 11: Suppl 3, 71-87, 1969.
- Schwart D. For a scientific approach to prevention. Presse Med 78: 1661-2, 1970.
- Schwartz D, Richard JL, Lellouch J, Claude JR. Serum lipids, smoking and body build. Study of 7,972 actively employed males. Rev Eur Etud Clin Biol 16: 529-36, 1971.
- Corre F, Lellouch J, Schwartz D. Smoking and leucocyte-counts. Results of an epidemiological survey. Lancet 2: 632-34, 1971.
- Eschwege E, Sancho H, Spira A, Beyer HP, Schwartz D. Results after 5 years of trial therapy in cutaneous tuberous angiomas. Arch Fr Pediatr 29: 49-65, 1972.
- Schwartz D, Menard J. Results in medical treatment of arterial hypertension and possible prevention. Rev Prat 22: 2611-8, 1972.
- Rumeau-Rouquette C, Goujard J, Kaminski M, Schwartz D. Perinatal mortality, previous obstetric history and use of tobacco. J Gynecol Obstet Biol Reprod Paris 1: 723-9, 1972.
- Schwartz D, Goujard J, Kaminski M, Rumeau-Rouquette C. Smoking and pregnancy. Results of a prospective study of 6,989 women. Rev Eur Etud Clin Biol 17: 867-79, 1972.
- Richard JL, Ducimetière P, Elgrishi I, Bonnaud G, Claude JR, Corre F, Eschwege E, Gelin J, Lellouch J, Schwartz D, Warnet JM. Some results of prospective study in Paris of the risk factors in ischemic cardiopathies. G Ital Cardiol 4: 350-65, 1974.
- Boyce A, Schwartz D, Hubert C, Cedard L, Dreyfus J. Smoking, human placental lactogen and birth weight. Br J Obstet Gynaecol 82: 964-7, 1975.
- Spira A, Spira N, Goujard J, Schwartz D. Smoking during pregnancy and placental weight:a multivariate analysis on 3759 cases. J Perinat Med 3: 237-41, 1975.
- Kaminski M, Rumeau-Rouquette C, Schwartz D. Alcohol consumption among pregnant women and outcome of pregnancy. Rev Epidémiol Santé Publique 24: 27-40, 1976.
- Boyce A, Mayaux MJ, Schwartz D. Classical and "true" gestational post maturity. Am J Obstet Gynecol 125: 911-14, 1976.
- Schwartz D. The epidemiologist and health policy: and finally, from France. Int J Epidemiol 6: 200-1.
- Kaminski M, Rumeau C, Schwartz D. Alcohol consumption in pregnant women and the outcome of pregnancy. Alcohol Clin Exp Res 2: 155-63, 1978.
- David G, Czyglik F, Mayaux MJ, Martin-Boyce A, Schwartz D. Artificial insemination with frozen sperm:protocol,method of analysis and results for 1188 women. Br J Obstet Gynaecol 87: 1022-8, 1980.
- Schwartz D, Mac Donald P, Heuchel V. Fecundability, coital frequency and the viability of ova. Population studies 34: 397-400, 1980.
- Jouannet P, Czyglik F, David G, Mayaux MJ, Spira A, Moscato ML, Schwartz D. Study of a group of 484 fertile men. Part I: distribution of semen characteristics.Int J Androl 4:440-9, 1981.
- Schwartz D, Mayaux MJ, Spira A, Moscato ML, Jouannet P, Czyglik F, David G. Study of a group of 484 fertile men. Part II: relation between age (20-59) and semen characteristics. Int J Androl 4: 450-65, 1981.
- Schwartz D, Mayaux MJ. Female fecundity as a function of age. Results of artificial insemination in 2193 nulliparous women with azoospermic husbands. New England J Med 306: 404-06, 1982.
- Schwartz D, Mayaux MJ, Spira A, Moscato ML, Jouannet P, Czyglik F, David G. Semen characteristics as a function of age in 833 fertile men. Fertil Steril 39: 530-5, 1983.
- Schwartz D, Heuchel D, Mayaux MJ, O'Quigley J. Evaluation of early embryonic mortality in donor insemination by a mathematical model, globally and depending on semen quality. Gamete Research 8: 371-77, 1983.
- Czyglik F, Mayaux MJ, Guihard-Moscato ML, David G, Schwartz D. Lower sperm characteristics in 36 brothers of infertile men, compared with 545 controls. Fertil Steril 45: 255-8, 1986.
- Vray M, Schwartz D. Comments on a pragmatic trial. J Clin Epidemiol 49: 949-50, 1996.
Principaux ouvrages
- D. Schwartz. Méthodes statistiques à l'usage des médecins et des biologistes. Flammarion, Paris, 1963 (traduit en espagnol en 1985).
- Schwartz D, Ph. Lazar. Éléments de statistique médicale et biologique. Flammarion, Paris, 1964 (traduit en anglais en 1980, réédité en 1985).
- Lazar P, Schwartz D. Éléments de probabilités et statistique à l'usage des étudiants en biologie humaine et générale. Flammarion Médecine Sciences, Paris, 1967, 165p.
- Schwartz D, R. Flamant, J. Lellouch. L'essai thérapeutique chez l'homme. Flammarion Médecine Sciences, 1970, 297p.
- E. Eschwège, G. Bouvenot, D. Schwartz. Le médicament. Naissance, vie et mort d'un produit pas comme les autres. Nathan/Editions Inserm, Paris, 1980.
- D. Schwartz. Le jeu de la science et du hasard. Flammarion Collection Champs, Paris, 1994.
- A.J. Valleron, D. Schwartz, M. Goldberg, R. Salamon. L'épidémiologie humaine : conditions de son développement en France, et rôle des mathématiques. EDP sciences, Paris, 2006
Extrait de INSERM Actualité, 13 sept. 2009
Rencontre
Nous sommes en 1957, Philippe Lazar est élève à l'Ecole polytechnique, vingt ans après Daniel Schwartz. Son rêve ? Faire de la recherche, ce qui n'est pas, à l'époque, une voie de sortie encouragée à l'X. Parti à la rencontre du directeur de la recherche opérationnelle du SEITA (le « Service d'exploitation industrielle des tabacs et allumettes », à l'époque monopole d'État), un certain Daniel Schwartz, celui-ci l'informe : il n'est pas ce directeur et, d'ailleurs, il n'y a pas de direction de la recherche opérationnelle au SEITA ! Qu'à cela ne tienne, la discussion s'engage : Daniel Schwartz est sur le point de créer une unité de recherche statistique à l'Institut Gustave-Roussy, à Villejuif. La future unité 21 de l'Inserm, alors Institut national de l'Hygiène. Or Philippe Lazar a longtemps hésité entre la médecine et les maths : n'est-ce pas le moyen idéal de concilier ses deux passions ?
Daniel Schwartz n'en est pas à ses débuts. Depuis quelques années, il a entrepris de former des médecins à la statistique au sein de l'Institut Henri-Poincaré, le temple français des mathématiques pures ! Or il n'est pas question ici de mathématiques abstraites, mais bien d'enseigner à ces étudiants, tous volontaires (l'enseignement de la biostatistique n'entrera dans le cursus médical que bien plus tard), le raisonnement logique, fondement de la statistique. Philippe Lazar commence à travailler aux côtés de Schwartz comme assistant, puis intégrera son unité de recherche en 1960.
Daniel Schwartz, en précurseur, a développé les deux idées maîtresses qui régiront désormais la statistique médicale.
Toute observation est soumise à une variabilité intrinsèque. Quand on répète plusieurs fois une observation, le résultat est toujours variable. Un exemple : en lançant 100 fois de suite une pièce de monnaie, on s'attend à ce qu'elle retombe « environ » 50 fois du côté pile et 50 fois du côté face. En réalité, la variabilité statistique fait que l'on peut obtenir un tirage « 52, 55 et même 58 fois pile, et 48, 45 et même 42 fois face », sans pour autant que la pièce soit truquée. Bien entendu, si le tirage observé est « 90 fois pile, 10 fois face », le doute s'impose...
Une question cruciale surgit alors en recherche médicale : comment déterminer si une observation reflète la réalité d'un phénomène, « s'il se passe quelque chose », ou simplement si l'on a affaire à la variabilité intrinsèque à toute observation ? Mettons que l'on compare l'efficacité de deux traitements dans deux séries de 100 patients, et que 55 sont guéris dans la première et 45 dans la seconde : a-t-on le droit d'en déduire que le premier traitement est plus efficace que le second ?
Daniel Schwartz montre comment prendre en compte cette variabilité grâce à des « tests statistiques », fondés sur l'idée que si la probabilité d'observer par hasard la différence observée est faible, c'est probablement que cette différence est à l'image de la réalité. « Probablement », car il n'y a bien entendu pas d'absolu en la matière!
L'observation d'une différence ne permet pas en soi d'en préciser la cause
Deuxième idée force : constater une différence statistiquement significative ne donne pas la clé de son interprétation. Exemple, toujours avec la comparaison de l'efficacité de nos deux traitements : 55/100 dans un cas, 45/100 dans l'autre, la différence est significative, mais peut-on affirmer qu'elle est réellement due à la différence de traitement entre les deux groupes ? C'est là que réside la grande difficulté d'interprétation des enquêtes d'observation. Seule une expérimentation peut permettre en toute rigueur d'apporter une réponse réellement démonstrative : il faut donc constituer les deux groupes auxquels on attribuera les deux traitements de façon aussi comparable que possible. Daniel Schwartz a largement contribué à faire comprendre que la seule possibilité de le faire de façon à la fois scientifiquement et éthiquement légitime était de répartir les patients par tirage au sort (ce qu'on appelle, dans le jargon des essais, la « randomisation »).
Daniel Schwartz apporte des arguments cruciaux en faveur de la causalité du tabagisme dans la survenue de cancers
Le problème de l'épidémiologie, c'est qu'on est assez rarement en situation d'expérimentation, sauf dans le cas des essais thérapeutiques contrôlés. On est en général en situation d'observation, avec le paradoxe d'avoir vocation à interpréter « causalement » un résultat en sachant qu'en principe on ne peut pas le faire ! Exemple : les cancers survenant chez les fumeurs, la première grande enquête de Daniel Schwartz. Celle-ci montre que les fumeurs ont plus de cancers que les non-fumeurs. Mais sont-ils identiques à ceux qui ne fument pas ? Ne diffèrent-ils pas par une multitude d'autres facteurs que le tabagisme, qui pourraient expliquer leur sensibilité différentielle au cancer ? Pour contribuer à démontrer la causalité du tabac, Daniel Schwartz introduit dans ses enquêtes un élément supplémentaire : le fait d'inhaler ou non la fumée. Et il démontre que l'inhalation augmente la fréquence de survenue de cancers, mais seulement celle des cancers « profonds » (bronches et vessie). Les atteintes de la cavité buccale et des voies aérodigestives supérieures, quant à elles, n'en dépendent pas. Un argument très fort en faveur du rôle du tabagisme comme facteur de risque de cancer est ainsi, pour la première fois, apporté ! Une première, qui laisse pourtant encore sceptiques quelques scientifiques, dont le « pape » de la statistique, Sir Ronald Fisher... (lui-même fumeur !).
Daniel Schwartz crée une véritable école de pensée sur la base de ce succès et, avec ses nombreux élèves, développe les applications de la méthode statistique en cardiologie, en diabétologie, dans le domaine de la fertilité (et, plus généralement, de la reproduction), ainsi qu'en génétique, en neurologie, en psychiatrie, dans le domaine des effets de l'environnement, etc.
Les progrès des essais thérapeutiques
Parallèlement à ses recherches épidémiologiques, Schwartz travaille à l'évolution de la méthodologie des essais thérapeutiques, avec Joseph Lellouch, pour l'aspect statistique, et Robert Flamant, futur directeur de l'Institut Gustave-Roussy, pour l'aspect médical. Le trio introduit une idée extrêmement forte qui, de l'avis de Philippe Lazar, n'est pas encore suffisamment reprise aujourd'hui. L'idée, assez révolutionnaire, est qu'on devrait en fait distinguer deux types d'essais, explicatifs ou pragmatiques.
Essais explicatifs et essais pragmatiques
Dans un essai explicatif, on tente de démontrer, par exemple, qu'une molécule est plus efficace qu'une autre dans le traitement d'une maladie donnée. Il s'agit d'une situation d'ordre expérimental, la question posée est fondamentalement scientifique.
Un essai pragmatique, quant à lui, se mène en situation de vie. S'il peut s'agir là aussi de comparer deux traitements, l'essai est réalisé dans des conditions plus proches de la réalité. Interviennent alors des choix subjectifs, du médecin ou de la famille, ou des facteurs comme l'observance du traitement, la disponibilité de la molécule ou sa voie d'administration... Dans ce type d'essai, l'optique est décisionnelle, même s'il existe un tirage au sort et si l'essai est donc légitimé d'un point de vue méthodologique.
Les méthodes statistiques employées pour en analyser les résultats sont elles-mêmes différentes. Dans le premier cas, il s'agit de montrer qu'il existe réellement une différence, alors que, dans le second, ce qui compte est avant tout d'éviter de choisir le moins bon des deux traitements s'il existe une différence entre eux ! Ce n'est donc pas du tout la même chose du point de vue des risques qu'on accepte de prendre !
En France comme à l'étranger, les essais sont actuellement dominés par le modèle explicatif, sans doute parce que les seconds sont beaucoup plus originaux dans leur conception. D'après Philippe Lazar, il est probable « que nous devrons attendre encore un bon moment pour les voir mis en œuvre à grande échelle ».
Les questions d'éthique
1982 : l'équipe d'Emile Papiernik, René Frydman et Jacques Testart réalise une fécondation in vitro aboutissant à la naissance du premier « bébé-éprouvette » français. Philippe Lazar, qui vient d'être nommé directeur général de l'Inserm, est aussitôt chargé de transformer le comité d'éthique de l'Inserm en Comité consultatif national d'éthique (le CCNE), avec l'aide du Pr Jean Bernard. Le CCNE voit le jour en 1983 et compte parmi ses premiers membres Daniel Schwartz. Celui-ci joue un rôle majeur dans l'élaboration de l'un des premiers « avis » du CCNE : celui qui légitime la « randomisation » des patients, ouvrant la voie au développement rapide des essais en France et conduisant, quelques années plus tard (en 1988), au vote et à la promulgation de la loi «de protection des personnes qui se prêtent à des recherches biomédicales » puis, en 1994, à ceux des lois de bioéthique.
Un vrai chercheur
Daniel Schwartz fut aussi un homme d'une permanente curiosité intellectuelle. Par exemple, pourquoi y a-t-il plus de garçons que de filles à la naissance ? Comment l'Évolution a-t-elle pu produire de tels bouleversements en « seulement » quelques milliards d'années ? Telles sont deux des nombreuses questions auxquelles il aurait bien aimé apporter des réponses... À côté de ses innombrables apports à la recherche clinique et épidémiologique et, par ricochet, à la santé et à la santé publique, il nous laisse ainsi également sur des questions, ce qui est bien le propre d'un vrai chercheur...
Mais Daniel Schwartz était encore bien plus que cela pour ses élèves et ses collaborateurs : « un père, un vrai, avec toutes les caractéristiques d'un père : attentif, affectueux, exigeant, et même parfois un peu possessif... », confie Philippe Lazar.